Le Paradou
Cette année, la bande du Paradou, créée en 1947, va clôturer la saison 2025 du Carnaval de Limoux.
Mais, au fait, c’est quoi le « Paradou » ?
À Limoux le Paradou désigne le plus ancien quartier de la ville entre l’église Saint-Martin et le Pont-Vieux, l’actuelle rue Saint-Martin et la rivière Aude. Il tire son nom de l’occitan « parador » qui désigne depuis le Moyen Âge le métier de pareur de draps. Ce terme nous renvoie par conséquent au grand passé textile de la cité.
Depuis au moins la fin du XIIe siècle, Limoux est une ville drapante. Et cette activité, véritable nourrice du pays avec les métiers du cuir et l’artisanat du bois, a donné son nom au cœur le plus ancien de la localité. Dès la fin du XIIIe siècle, en 1296, il est question de « la Parayrie de Limoux » près de l’enclos de Prouille et de l’église Saint-Martin, à proximité du port de Limoux au débouché sur le fleuve, de la rue de Carrasserie. En 1312, on parle encore de la « Parayrie de l’église Saint-Martin ». Notre actuelle rue Saint-Martin va conserver ce nom très significatif de « rue de la parerie vieille » (1342) jusqu’au début du XIXe siècle. Plus tard, il faudra la distinguer d’une autre rue de la parerie, la « parerie neuve » que vous connaissez aujourd’hui sous le nom de rue de la Goutine. Son existence montre l’essor au XIVe siècle de l’industrie textile qui s’étend désormais à toute la Grande Ville, notamment à l’ouest du vieux quartier du Paradou.
Le métier du « parage » qui a donné son nom à la Parayrie et donc au Paradou consistait à donner au tissu de laine son aspect définitif à travers plusieurs opérations dont les principales étaient le foulage, le lainage ou chardonnage, le ramage ou tendage sur rames et enfin le tondage. À la fin de ces opérations, le drap ou le tissu subissait un ultime contrôle qualité. Il était prêt à être teint ou plié. Les pareurs de Limoux formaient l’une des plus puissantes corporations de la ville. En 1318, ils obtiennent du roi de France le droit de marquer leur drap d’une croix de couleur en filasse, d’une largeur de deux doigts et de les faire sceller d’un sceau de plomb spécifique pour éviter les contrefaçons. Leur production était alors vendue dans tout le bassin méditerranéen (Chypre, Égypte…) et sur les plus grandes foires de Montpellier, de Toulouse, de la Couronne d’Aragon (Perpignan, Barcelone, Valence, Majorque) mais aussi celles de Champagne, grands rendez-vous du commerce européen. Comme le soulignait le chroniqueur Froissart au début du XIVe siècle : à Limoux, on faisait les draps « plus et milleurs que partout ailleurs ». Hélas, c’est aussi cette grande renommée et la richesse qu’elle supposait qui ont attiré sur notre ville en 1355 l’armée du Prince Noir qui s’y livra au pillage et à la destruction.
Évoquer le nom du Paradou, c’est donc se rappeler du riche passé textile de notre ville avant sa disparition définitive au début des années 1880. En conservant imprimé dans la mémoire collective ce nom dans sa forme occitane au moment où cette ancienne industrie pluriséculaire s’éteignait, c’est tout un quartier qui se souvenait alors et qui se souvient toujours depuis, puisqu’il y existe aujourd’hui une place du Paradou, du rôle primordial qu’elle a joué dans la vie socio-économique de la cité et dans la vie de nos ancêtres.
© Charles Peytavie
Photo : Le Paradou vu depuis le clocher de l’église Saint-Martin de Limoux. Vers 1900. Photo H. Jansou, Maison Labouche Toulouse.
© Collection Archives Départementales de la Haute-Garonne.