Limoux, Histoire & Patrimoine
Lundi 27 mai 2024, la ville de Limoux a reçu, par l’intermédiaire de son maire Pierre Durand et de Gilbert Aupin son adjoint délégué au Patrimoine, deux dons exceptionnels en lien avec son riche passé : un ancien parchemin daté de 1373 provenant des archives de l’ancien couvent des Augustins de la ville et un tableau du XIXe siècle représentant le poète, dramaturge et académicien français Alexandre Guiraud.
Don de Christian de Marion Gaja, le parchemin, plutôt en bon état, provient des archives de l’ancien couvent des Augustins de Limoux. Son étude à venir nous donnera plus de renseignements sur son contenu. En l’état, il s’agit vraisemblablement de la confirmation datée de 1373 (nous sommes sous le règne du roi Charles V) par la Cour des Comptes, à Paris, d’une charte d’amortissement plus ancienne datée de 1363.
Après l’incendie de la ville de Limoux par le Prince Noir en 1355, les ermites de Saint-Augustin, installés au préalable hors les murs de la ville, obtiennent l’autorisation du monastère de Prouille, patron de la paroisse de Limoux, de déménager à l’intérieur des murailles de la cité. Ils choisissent un terrain (entre les rues Grammatique et de l’Officialité) que le parchemin donné à la ville cette semaine devrait nous permettre de mieux connaître. Il y avait là plusieurs terrains vacants et des maisons peut-être endommagées par l’incendie. Pour pouvoir y construire une église et un nouveau couvent, les ermites doivent aussi transiger avec le seigneur de cette partie de la localité : Jean de Mésalan, coseigneur de Limoux et seigneur du Tronchay (Eure-et-Loir). Pour celui-ci, il s’agit d’anticiper son manque à gagner en raison de cette acquisition faite par des religieux. En effet, puisque le bénéficiaire est un établissement ecclésiastique voué à ne jamais disparaître, en vertu de l’adage « l’Église ne meurt pas », Jean de Mésalan ne percevra plus aucun de droits de mutation sur l’enceinte du futur couvent. Il s’agit de négocier la durée et le montant de son indemnisation.
L’affaire de grande importance est négociée pour les Augustins par Pierre Amiel de Brenac, ancien religieux du couvent (originaire de Brenac, près de Quillan), en poste à la curie pontificale à Avignon auprès du bibliothécaire et confesseur du pape Urbain V, Raymond d’Achon. Pierre Amiel de Brenac fera par la suite une carrière remarquable en Avignon puis à Rome comme futur évêque et confesseur du pape Grégoire XI. Jusqu’à sa mort en 1401, il agira toujours comme le protecteur attentif des Augustins de Limoux. Si l’on en croit les archives des ermites, leur installation intra-muros fut quelque peu troublée par certains habitants de la ville qui contestaient la transaction d’amortissement. Il fallut la faire confirmer plusieurs fois par l’autorité royale mais aussi par la Cour des Comptes en 1373. Cette année-là, selon l’érudit limouxin Louis-Alban Buzairies, auraient aussi débutés les travaux de la nouvelle église de leur couvent, celle que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de la Miséricorde. L’étude du parchemin confié à la ville de Limoux devrait par conséquent nous éclairer aussi sur le contexte de ce chantier.
D’Alexandre Guiraud (1788-1847), le poète et dramaturge limouxin, devenu académicien français en 1826 et la même année propriétaire du château de Villemartin sur la commune de Gaja-et-Villedieu apporté en dot par son épouse Marie Espardellier, on connaissait déjà plusieurs portraits contemporains auquel vient s’ajouter celui donné désormais à la ville de Limoux par Henri Fabre. Sans date et non signé, il représente l’homme de lettres légitimiste et mais également industriel limouxin, assis dans sa bibliothèque, au milieu des livres, en habit d’académicien, arborant sa Légion d’honneur obtenue du roi Charles X en 1824. Le tableau semble donc postérieur à 1826 et peut-être est-il même postérieur à la décision du souverain de l’élever au rang de baron en mars 1827 pour sa participation à l’opéra Pharamond joué lors du sacre royal. L’académicien pose-t-il dans sa bibliothèque parisienne ou dans celle du château de Villemartin ? On ne saurait le dire. Il aimait tant son domaine de Villemartin qu’il y consacra un long poème, poursuivant sans cesse son aménagement en y établissant en particulier, à partir de 1830, un parc et un cloître remonté à partir d’éléments provenant en majeure partie de l’ancien cloître des Grands Carmes à Perpignan (et sans doute aussi des éléments provenant de l’ancien cloître des Dominicains de Limoux ou encore de l’abbaye de Saint-Polycarpe). Hélas, il mourut à Paris, le 24 février 1847, à l’âge de 59 ans. Ses obsèques eurent lieu loin de Limoux deux jours plus tard à l’abbaye-aux-Bois. Son ami Victor Hugo portait un coin de son cercueil.
Avec le buste du sculpteur Gustave Debrie (1842-1924) confié en dépôt à la ville de Limoux par l’État et inauguré en septembre 1938 dans le jardin de l’île de Sournies, voici désormais la deuxième représentation de l’académicien limouxin, ami de Lamartine et de Victor Hugo, que l’on pourra à l’avenir voir dans notre ville.
Charles Peytavie